Les peuples nomades des steppes infinies de Mongolie
Le vendredi 1er janvier 2010 - Publié sur Equi-Libre H 2009-2010 - Par Ariane Arpin-Delorme
Malgré des réalités quotidiennes souvent bien différentes, les ressemblances sont parfois surprenantes entre le voyageur itinérant et le Mongol nomade…
Un peu d’histoire…
Lorsqu’on parlait de la Mongolie vers la fin des années 80, la question qui venait à l’esprit était souvent: mais de quelle Mongolie s’agit-il? La Mongolie chinoise russe? Depuis leur soumission aux empereurs mandchous, la Mongolie s’est trouvée coincée entre deux entités politiques: la Mongolie-Intérieure et la Mongolie-Extérieure. En 1990, la République populaire de la Mongolie a rejeté l’économie dirigée et la pesante tutelle soviétique.
Ce peuple a tellement souffert des atrocités commises au nom du communisme que, depuis l’avènement de la démocratie, tous les mots relatifs à cette période sont bannis du langage. On parle d’avant et de maintenant. La plupart des Mongols semblent tout de même parler de cette rude période avec un ton nostalgique, car bien qu’ils n’avaient aucune liberté d’expression, tout était organisé pour eux. Depuis, les éleveurs ont dû devenir des commerçants afin de demeurer compétitifs avec les Chinois, durs en affaires.
MODE DE VIE NOMADE…
Dominer les éléments de la nature…
Dans ce pays plat, tout relief plus haut qu’une maison à deux étages est une montagne: dans la langue mongole, colline et montagne se traduisent par un seul mot, uul. À l’horizon, quelques gers se dessinent, en groupe de deux ou de trois. Elles semblent se protéger du monde moderne. En mongol, on l’appelle la ger, mais en français, on la nomme la yourte; mot d’origine turque, mais terme moins affectionné par le peuple mongol. Selon la légende, la ger est un symbole de paix et de rassemblement familial. Cette dernière est parfaitement adaptée aux intempéries. C’est la solution optimale pour contrer le vent, la pluie, le froid hivernal et même les grandes chaleurs.
Loger au sein d’une petite communauté locale représente une belle opportunité à saisir afin d’entrer en contact avec une famille. C’est aussi l’occasion de participer aux tâches quotidiennes; traite des vaches, sciage du bois, coupe du fromage aruul à l’aide d’un cheveu, apprendre les rudiments des jeux d’osselets, dégustation de la vodka mongole en compagnie des grands-mères...
Il est intéressant de noter que les nomades ne se déplacent pas par choix de vie et d’envie de liberté, mais plutôt pour des raisons reliées aux conditions climatiques et naturelles hostiles.
Il ne faudrait pas imaginer que le nomadisme est une errance aveugle, au gré des fantaisies; les bêtes ne le supporteraient pas. Les pâturages d’hiver cherchent à être à l’abri des vents glacés, au contraire des pâturages d’été qui seront situés près des points d’eau. Le nomadisme mongol répond à l’impératif d’une adaptation à des conditions naturelles peu favorables.
Les éleveurs mongols connaissent dès le début de l’année, l’ensemble de leur trajet et leurs points de campement. Il s’agit donc bien d’une façon de dominer les éléments de la nature et
non d’une fuite. Même Ourga, l’ancienne capitale, se déplaçait. Le niveau de vie semble plus pauvre dans le désert que dans les steppes, où les ressources sont plus variées.
À l’est de la capitale, parmi les forêts de pins et les yaks, on retrouve des maisonnettes faites de bois rond, en bonne quantité dans la région, remplaçant par le fait même la ger. Ce n’est que depuis l’époque communiste que des habitations «en dur» sont apparues. La moitié de la population mongole se regroupe maintenant dans les quelques sums, petites villes administratives au milieu de nulle part. L’influence soviétique communiste est imprégnée dans le style bétonné, sans âme, des maisons. En ville, on sent quand même ce vieux préjugé qui fait de la sédentarité un état apparemment supérieur au nomadisme.
L’élevage nomade s’est trouvé être la forme d’exploitation la mieux adaptée à l’environnement. Vivant dehors tout au long de l’année, ce sont, selon les régions, des troupeaux de bovins, de yaks, de moutons, de chèvres, de chevaux et de chameaux (le chameau de Bactriane, à deux bosses, capable de supporter le rude hiver, à la différence du dromadaire à une bosse des terres chaudes d’Afrique) qui constituent le mode de subsistance et de revenus des nomades. Les nomades utilisent la laine du chameau jusqu’aux bosses. La raison est que dans le cas contraire, l’animal ne pourrait survivre sans la protection de cette épaisse laine recouvrant ses bosses. Quand l’herbe est épuisée autour de la ger, la famille et son troupeau se déplacent, avec tous leurs bagages, à la recherche d’herbe fraîche.
Chaque matin, après avoir recueilli le lait de la traite des chèvres, on en prend au moins trois bonnes cuillerées pour les lancer vers le ciel et ainsi remercier les dieux pour tout ce que l’on possède. Les premières gouttes de chaque bouteille d’alcool sont d’ailleurs offertes aux esprits de la nature.
On dit qu’aucun paysan de chez nous n’est plus attaché à son clocher que le Mongol à la prairie qui l’a vu naître.
Même les routes sont semi-nomades…
En Mongolie où il n’y a pas vraiment de transport en commun, même les routes ne cessent aussi de se déplacer et deviennent ainsi semi-nomades, telles les rivières au travers les saisons. La plupart des nomades se déplacent à cheval. Cet animal élégant est très significatif pour le peuple mongol. Souvent pendant la nuit, les gens s’endorment au son des chevaux galopant autour de la ger.
Les nomades se déplacent toujours à cheval et leur perception des distances est très approximative. L’évaluation se fait à l’aide de repères sonores ou visuels, tels qu’être ou non à portée de voix, distinguer la robe d’un cheval...
L’hospitalité mongole… une tradition…
On dit que les nomades sont très rarement surpris par la venue de visiteurs étrangers ou mongoles, car leur style de vie est fait pour accueillir tout passant. Ils s’attendent à la même attention en retour lorsqu’ils en auront besoin. Vous pouvez entrer dans n’importe quelle tente pour vous rafraîchir. Peu importe qui vous êtes, l’accueil est toujours le même. Les coutumes locales veulent que vous n’avez pas de mauvaises intentions. Hésiter ou marquer un temps d’arrêt avant d’entrer chez quelqu’un est un signe de mauvais augure: vous avez une idée malhonnête derrière la tête. Si vous cherchez à vous cacher, c’est que vous avez forcément mauvaise conscience. Leur mode de vie les a habitués aux courtes rencontres: chacun a son propre chemin à suivre.
Si la chance vous sourit, vous pourriez même arriver juste au bon moment afin de démontrer une ger. La coutume étant d’arrêter à chaque campement lors de sa route afin de prendre le thé au lait salé.
Le thé est versé dans un bol en porcelaine ou en bois. Le chef de famille, qui le sert lui-même, utilise quelquefois un joli bol de bois incrusté d’argent. Chacun possède son bol qu’il ne prête jamais, et au cours des repas, chacun occupe une place bien définie et n’en change pas. Le chef de famille possède le plus grand bol, les autres hommes ou les fils ont des bols un peu plus petits, les femmes, des bols de taille moyenne et les enfants de petits bols. Il faut manger deux bols pleins à chaque repas, c’est la coutume. Le bol est donc attribué en fonction de la taille présumée de l’estomac.
Un moment magique à vivre en famille: la préparation d’un repas traditionnel pour les occasions spéciales, soit le khorkhog. Après avoir fait chauffer les pierres dans le feu, celles-ci sont déposées dans le chaudron d’eau, de bonnes pièces de mouton accompagnées de pommes de terre, carottes, oignons et ail. Les Mongols n’utilisent pas vraiment d’épices à part beaucoup de sel… La tradition veut ensuite que les femmes se massent les mains avec les pierres chaudes graisseuses.
Les femmes de la famille semblent prendre plus de place. C’est un des seuls pays en Asie où les femmes ripostent aux hommes!
C’est le pays où la terre est dure et le ciel est loin! L’entraide et la solidarité au sein de la famille sont une condition de survie. Ici, oublier de tendre la main à quelqu’un peut être assimilé à un meurtre. Dans le désert, le risque de mourir de soif en moins de deux jours est grand.
Hors d’Ulaanbaatar, à peu près tout le monde porte la deel, une robe manteau d’une seule couleur qui est faite de soie, de coton ou de drap feutré. Les femmes comme les hommes y ajoutent une écharpe de couleur, souvent jaune ou orangée, en guise de ceinture. Cet habit est pratique à la campagne et à cheval: il protège du vent et de la pluie. Généralement, les hommes sont coiffés d’un chapeau alors que les femmes se recouvrent la tête d’un foulard coloré. Les hautes bottes noires apportent la touche finale.
En Mongolie, le chant, tout comme les légendes et les histoires drôles échangées à chaque rencontre, sont transmis par un mode de transmission oral en lien avec leur culture. On privilégie la voix et le texte, les instruments ne servant qu’à créer un fond musical.
Comment visiter ce pays?
Ce merveilleux pays peut se visiter en randonnée pédestre, en train, en véhicule motorisé et bien sûr à cheval.
Un voyage à cheval au coeur de la Mongolie permet de découvrir d’extraordinaires sites naturels et historiques. Galoper à travers les steppes mongoles permet de sentir l’énergie pure et mystérieuse d’une des dernières régions encore intactes et inexplorées où le plus grand empire de l’histoire des civilisations a été établi.
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